Un hiver au sud de Madagascar

D'avril à septembre 2007, je photographie la vie dans la région de Fianarantsoa.

 

DSCF0902.JPGBrousse au sud de Betroka 



 

* Extraits de mon carnet de voyage


Le Taxi
Fianarantsoa (prononcer Fianarantssou) ville de 60 milles habitants, située sur les hauts plateaux dans la zone montagneuse de l’île à environ 400 km (200 à vol d’oiseau) au sud de Tananarive, la capitale de Madagascar.
 
Pour me rendre en ville, je saute dans un taxi, une 4L qui démarre et prend la direction indiquée. Après une petite montée, nous redescendons et là, le chauffeur coupe le moteur et laisse filler la voiture jusqu’en bas de la route en la ralentissant uniquement avec la pédale de frein ! Procédé dangereux me dis je. Quelques mètres plus loin, il stoppe à une station essence, ouvre sa portière, tend un bidon de 5 litres au pompiste qui le rempli au ¾. Le chauffeur reprend le récipient, le calle dans le vide poche de la portière, visse dessus un bouchon d’où part un petit tuyau qui communique directement avec le moteur de la voiture ! Hé oui, ici le gasoil coûte très cher (un peu moins qu’en France mais sachant que le salaire moyen est de 30 € par mois !) et les taximen utilisent ces moyens pour d’une part consommer moins et d’autres part pour payer petit à petit et avoir un œil en continu sur ce qu’il leur reste de carburant.
 
En ville beaucoup de contraste. Les rues sont propres, avec des trottoirs, du goudron, des espaces pour les poubelles … mais on y trouve des gens qui vivent là toute la journée, pieds nus, habillés en haillons, et dormant sur des cartons malgré les températures fraîches de la nuit.
 
Le plat de riz
J’entre dans le premier resto du centre ville et demande le plat traditionnel et quotidien : du riz ! Hum quel plaisir de sentir entre ses dents de petits grains de sable qui craquettent à chaque fermeture de la mâchoire ! A coté du riz accompagné d’une sauce gombo (gros haricot), on me dépose sur la table, un bol rempli d’un liquide fumant. La couleur est proche de celle d’un thé mal passé et en y plongeant ma cuillère au fond, je fais remonter à la surface des gros grains de riz dégageant leur amidon … C’est la boisson : l’eau bouillie du riz. Ainsi, il n’y a pas de risque d’attraper une grosse diarrhée même en buvant autre chose que de l’eau minéral ou du coca cola (inévitablement présent bien sur)
 
Mananzar
On descend des hauts plateaux vers la mer en traversant des paysages magnifiques : on quitte progressivement les vallons où le riz pousse à perte de vu pour passer dans la forêt tropical où fougères géantes, palmiers et autres végétaux luxuriants vont descendre sur nous une chaleur humide. Au cours d’une ballade en pirogue sur le canal des Pangalanes, on croise un cortège de pirogues en pleine procession funèbre. Le défunt enroulé dans une natte placée au fond de la pirogue, se fait accompagné pendant 3 jours par les gens de son village qui chantent des airs joyeux, en frappant dans leurs mains et en riant ! Son passage dans l’autre monde doit se faire dans la joie.
 
 
Lundi de Pâques
Aujourd’hui, c’est une des plus grandes fêtes de l’année. Les gens prennent leur voiture, quittent le village, s’arrêtent en pleine forêt au bord de la route, sortent la nappe et pique nique à 1 mètre du goudron où passe les 4X4 crachant leur fumée noire … D’autres se retrouvent par centaine pour assister à des domptages de zébus ou autres manifestations … Mais cette année, une bonne grosse pluie n’empêche personne de venir faire la fête. Mais elle ne suffie pas pour réveiller certains qui jonchent dans le bas coté ou sur la route, sous les effets du toca gache, le rhum local !
 
Pauvreté
La choucroute fut très bonne, accompagnée par la bière locale : la THB, servie uniquement en bouteille de 50 cl et dont le nom fleurie sur toutes les enseignes des petits magasins dans la rue. A la fin de la soirée, nous raccompagnons un prof et ces deux enfants. Je monte à l’avant du 4X4 que Christophe conduit. Emilie n’arrive pas à fermer sa porte … Deux enfants, âgé de moins de 5 ans, habillés de tissus sales, déchirés, pieds nus dans la boue qui inonde le trottoir, bloquent la porte en suppliant en malgache qu’on leur donne de l’argent. Emilie ne peut rien faire et ne sait pas quoi faire, Christophe essaie d’avancer doucement mais les enfants s’accrochent à la portière. Personne ne dit rien, mis à part Emilie qui d’une petite voie dit à son frère qu’elle ne peut fermer la porte … Je fini par sortir et repousse la portière en écartant doucement les enfants … Tout le monde reste silencieux pendant 5 minutes sur le chemin du retour. Ces enfants ont passé la soirée, et passeront toutes les suivantes, devant un restaurent chic où ceux qui ont de l’argent sortent …
 
Le bus
C’est vendredi, le jour du marché, le grand marché zouma (zouma = vendredi). J’attends en bas du chemin qui descend de la maison vers le goudron que le bus passe. Enfin le voilà suivi d’un épais nuage de fumée noire. Le mini-bus s’arrête et la porte arrière s’ouvre brusquement retenue par une corde qui l’empêche d’aller claquer sur la carrosserie du bus. Un homme saute à terre et se met à hurler la destination finale du bus. C’est très pratique, deux personnes travaillent par bus : le chauffeur et lui ! Je monte et m’assoie à coté d’un homme sur un siège d’environ une place et demi. Je dois également tordre mes jambes car l’espace entre mon siège et celui de devant est relativement étroit. Le bus repart en vrombissant, tremblant, grondant et fumant …  L’homme à l’arrière est également chargé de donner un ticket indiquant le prix unique du transport (300 Ar = 300/2600 = 0,12 €) et de récupérer l’argent des passagers. Ici, les bus ne sont pas décorés de couleurs vives comme au Sénégal, mais on y retrouve tout de même une ambiance chaleureuse puisqu’on peut y monter à plus de 30 alors qu’il y a 10 sièges !
 
Ambiance
Une petite pièce dont les deux fenêtres ouvertes laissent passer un peu de fraîcheur. Exposée plein nord, la pièce aurait été inondée de lumière et de chaleur si les volets en bois bleus n’avaient été fermés. Yvon et sa femme nous reçoivent dans une ambiance détendue et calme comme elles sont de rigueur le samedi après midi. De la musique traditionnelle malgache et l’inévitable bière du pays (THB) accompagnent la discussion des amis. Après quelques temps, Solomon prend la guitare et commence à gratouiller … Sur de lui, il se met à jouer un morceau populaire et tout ses amis l’accompagnent en chantant. Le sourire est sur les lèvres de chacun mais surtout sur les miennes. Ces moments sont forts, forts de simplicité et d’union. Je chantonne avec eux, des mains se rencontrent en signe d’accord et de complicité, une cuillère cliquette sur un verre, les têtes commencent à dodeliner, les pieds frappent doucement le sol … La fin de journée passe ainsi, dans cette petite pièce, bercée par la musique, la lumière à travers les fentes des volets se fait de plus en plus pâles mais la lumière qui emplie nos cœurs, elle, ne cesse de grandir … La nuit est tombée et nous quittons cette bonne ambiance pour rejoindre Fianarantsoa. Mais au rond point on quitte la nationale vers le centre ville pour aller se garer dans une rue déjà bien animée. J’apprécie également ces moments où il se passe des choses que je ne contrôle pas. On attend … pourquoi ? Puis on entre dans une boutique dont on ressort sans rien avoir acheté, pourquoi ? On attend à nouveau … on fini par pénétrer par une porte sombre dans une cour tout aussi sombre … des escaliers en bois qui craquent jusqu’au 1er étage où derrière un rideau à fleurs à moitié transparent une voie de femme nous invite à entrer. Un salon fort kitch : un grand buffet où une Barbie est assise entre des verres à pied, des fleurs en plastique autour d’une horloge non mise à l’heure … nous sommes en fait chez la tante de Rado qui insiste pour qu’on s’assoie. Et c’est repartie, bières, samousas, nems, brochettes de cœur de zébu et même le whisky local que l’oncle défini comme LE véritable alcool à boire. Bien sûr je commence à être habitué à cet accueil si spontané et chaleureux, mais il me redonne à chaque fois du baume au cœur et je savoir c’est moment de partage simple mais si fort … la vie, la vraie !  
 
Vie de famille
On attend pour manger. Yvon regarde des clips à la télé, il a 25 ans, vient de finir ses études d’informaticien qu’il a brillamment réussi et attend des réponses pour travailler. Mais ici, pas trop de débouché, alors il espère aller travailler ailleurs pour découvrir d’autres choses … Sa mère attend dans sa chambre, son mari travaille au ministère de l’aménagement rural dans le sud à 3h30 d’ici et ne rentre que très rarement … Une femme toute discrète s’affère dans la cuisine pour préparer le repas, pendant que deux chats miaulent leur appétit comme ci ils sortaient d’une grève de la faim, une oie leur répond encore plus fort. A table. Pour mes compagnons africains, souvenez vous au Burkina quand j’avais fait du riz que je n’avais pas égoutté à fond. Il restait un tout petit peu d’eau … Et bien ce riz était desséché comparé à celui que j’ai mangé chez Yvon et celui que je continue de manger tout les jours, à tout les repas, même le matin ! Ma 1ère nuit fut horrible. Je partage une chambre avec Yvon, allongé en bas du lit à étage, les moustiques commencent leur danse. « Mais piquez moi donc ! Et cessez de me voler à 5 mm des oreilles !! » L’anti-moustique n’est efficace qu’une heure … Quand les moustiques font une pause, c’est le chien qui appelle tout ses potes du quartier à un petit concerto en houaff plus que majeur ! Ça se calme un peu, mais je suis à nouveau réveillé par un bruit étrange que je localise à quelques centimètres de moi. Une bête dans la pièce d’à côté ? Un insecte le long du mur ? Non, c’est un chat qui commence sa toilette sur un carton sous la table juste à coté du lit : je suis allergique aux poils de chats !! Heureusement le lendemain je me repose, on installe une moustiquaire et depuis je dors comme un bébé toutes les nuits.
 
Plus qu’un homme !
Partout où on passe on voit de grands posters du président qui décorent l’intérieur des maison en terre. Il est aussi présent sur les T-shirt complètement usés et salis par le travail au champ. On commence à voir des feux de brousse provoqués par les villageois car les herbes deviennent trop hautes pour les zébus ! Certains villages sont de véritables forteresse où on enferme les zébus la nuit pour se protéger des voleurs de zébus : les dahals qui n’hésite pas à tuer les gens ou les prendre en otage.
 
Sportifs
Fait divers de cette nuit : en rentrant du Mada Club, à 4h du matin, on voit des dizaines de jeunes en train de courir dans les rues de Fianarantsoa ! En pleine nuit !! Il sont fou c’est malgaches me dis je. Ce sont des étudiants qui passent un examen de sport bientôt et qui préfèrent suer sous les étoiles que sous le soleil …
 
En brousse
Les 3 camions et la foreuse de 38 tonnes sont déjà sur la route vers le village, depuis tôt ce matin. Nous quittons Betroke en 4x4 pour les rejoindre. Ce n’est pas loin, 30 km … Après le gué, quitter la piste (route nationale) est prendre vers l’ouest. Facile à dire, mais quand d’énorme machine sont en plein travail pour construire une « vraie » route goudronnée, c’est difficile de trouver la petite piste à prendre … Heureusement que la foreuse est passée par là se matin et à laissé des traces dans les herbes hautes, sinon on ne les aurait jamais retrouvé … Après 3h de cache 4 (c’est un cache cache en 4x4 !!), on aperçoit le convoi … arrêté ! La foreuse est embourbée, on est en pleine brousse, pas un village, pas âme qui vive à pertes de vue. Heureusement, ils ont l’habitude : branchages et rondins sous les roues, un câble entre la foreuse et un camion, un second câble entre ce camion et un autre camion, les moteurs grondent, une épaisse fumée noire envahie le ciel, la foreuse tangue et s’en sort. Après cela, rien ne vaut une lampée de whisky et des petites brochettes préparées par les femmes des foreurs. On repart vers le village dans lequel tout se met en place rapidement pour commencer à creuser le trou sous l’oeil ahuri des villageois. Le forage est positif : encore un village qui bénéficiera d’eau potable …
 
C’est comme ça !
Enfin le logiciel veut bien fonctionner. Il était en effet bloqué par un ou plusieurs virus. Toujours est il qu’il a fallu 4 anti-virus pour en venir à bout !! Mais grâce  à Titi, le gérant du Cyber café, les anti-virus s’obtiennent facilement :
Dans sa boutique reconnue et faisant pignon sur rue, une fin d’après midi, une dizaine de personnes sont là.
-         Bonjour Titi, est ce que tu as une version à jour de Avast ?
-         Oui, c’est 5000 Ar (2 €), mais c’est une version piratée.
Petit sourire de Titi et de quelques membres de l’assemblé qui continue leur activité.
-         Ok, très bien !
Même les entreprises fonctionnent avec des Windows piratées. Leurs discours : Microsoft est tellement riche et nous sommes tellement pauvres, qu’il n’y a aucune raison de leur donner de l’argent ! Et ils ont bien raison. Et c’est comme ça pour tout : CD, DVD, Logiciel, Jeux … tout est piratés et vendus « légalement » dans toutes les boutiques les plus connues de la ville qui vont même jusque mettre des pubs dans la rue …
 
En ville
J’ai enfin pu acheter de la canne à sucre. Tout les gosses en mâchonnent, mais impossible d’en trouver sur les marchés. J’insiste, et on me conduit derrière une bicoque où une femme arrache un pied entier qu’elle me vend 200 Ar (0,08 €). Je rentre à la maison avec mon carton de course sur la tête, et mon pied de canne à sucre d’au moins 3 mètres de long sur l’épaule, et les malgaches qui sourient en me croisant …
Thérèse a crevé en prenant la piste qui rentre chez elle. Pas sur un caillou, ni la griffe d’un hibou, ni même sur un cogneu genou, encore moins sur un chou, mais sur l’aiguille d’un talon de chaussure qu’une princesse avait laissé traîner … quelle histoire !
Les enfants continuent de courir dans la rue, pieds nus, malgré le froid … Une boite de sardine, transpercée par deux tiges métalliques sur lesquelles des bouchons de bouteilles plastique sont accrochés, sautille entre les nids de poules de la rue, derrière un enfant qui coure en riant …
 
Retour
Les lumières se rallument, doucement les yeux s’habituent, tournent de droite et de gauche … magnifique ! Le soleil se lève sur le Mont Blanc. Dans quelques minutes, la descente dans la grisaille, la descente dans les sous sols du RER, la descente dans un monde trop rapide, trop individualiste … Revoir la famille fait du bien et je leur raconte mes dernières aventures à Madagascar :
Le mariage de Ndiana, malgache et de Luc, français, sous le signe de la tolérance culturelle et de l’amour : des petits métis en perspective !
Une cérémonie de retournement des morts très émouvante. Sur les hauts plateaux, tout les 7 ans, les ancêtres sont sortis du tombeau familial. On les enroule dans un nouveau lamba, on leur donne des nouvelles des vivants, on danse, on pleure pour certains, on boit le toca gasy et on les replace dans le tombeau. Surprenant mais fort en émotions.
Sur le tropique du Capricorne, Tuléar, une ville fort sympathique où les pousse-pousse transportent les gens sans bruit ni pollution. Je pars seul à pied sur 20 Km vers le nord. Le soir un pêcheur m’accueille dans sa famille où je suis traité comme un roi. Le lendemain, de bonne heure, nous embarquons sur sa pirogue et ramons jusqu’à la barrière de corail, lui pour pêcher, moi pour observer les poisons multicolores et les étoiles des mers qui dansent autours de moi … magique !
 
L’aventure malgache se termine, mais les souvenirs, les sourires des enfants, les rires des amis, restent bien présents …
 
Véloma, Matthieu
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